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Méditer, c’est ne rien faire



L’importance de s’assoir

Chögyam Trungpa définissait ainsi la méditation : « Par méditation, nous entendons quelque chose de fondamental et de très simple, qui n’est pas relié à une culture quelconque. Nous parlons d’un acte vraiment fondamental : s’assoir par terre, prendre une posture correcte et cultiver le sentiment d’avoir son propre espace, sa place sur cette terre […] L’essence de la pleine conscience consiste à voir peu à peu qu’être attaché à la vie qu’on voudrait n’est qu’un processus de torture. Abandonne cette idée et laisse-toi tomber amoureux ouvertement et sans retenue, de ta vie telle qu’elle est, et de tout ce qu’elle contient. »

C’est un message puissant et dérangeant. Quand on commence à s’assoir sur le coussin, on est plein d’optimisme dans la pensée que l’on va atteindre quelque chose de merveilleux. Au début, il semble que nous ayons enfin trouvé le lieu idéal, l’endroit où nous allions enfin poser nos valises. Puis avec le temps qui passe, nos difficultés les plus intimes finissent par réapparaître. La routine s’installe et face à elle, les turpitudes ordinaires que nous cherchions à fuir. Aussi loin que nous puissions aller, l’ombre de nous-même nous suit en permanence.

Rentrer en amitié avec soi-même

Il en va de même pour la pratique de la méditation. Une certaine habitude finit par s’installer et le goût du nouveau se perd. L’illusion d’avoir enfin pu déposer le tissu de nos croyances, de nos névroses et de nos obsessions, cesse. Il reste l’effort à fournir dans la continuité. Faire l’expérience encore et encore de ce que nous sommes, quelle que soit notre confusion. Ne pas craindre nos faiblesses, nos défauts ou nos écarts, mais les regarder tels qu’ils sont, froidement, comme le tailleur de pierre examine, avec l’œil de celui qui sait, la forme de la pierre qu’il doit ouvrager.

Le chemin spirituel ne repose, ni sur la flagellation ou sur l’éloge, ni sur la punition ou sur la récompense. Il s’agit d’un chemin vers soi, la part la plus intime de ce que nous sommes. Le lieu caché de ce que nous n’osons pas regarder, nos peurs les plus profondes, la vieillesse, la maladie et la mort, la kyrielle de nos blessures narcissiques, ne pas être aimé, ne pas être reconnu, ne pas compter… et bien d’autres encore. Rentrer en amitié avec soi-même, avec nos parts les plus secrètes, c’est le premier pas.

La magie du matérialisme

Face à ce retour sur soi désiré, les pouvoirs magiques du matérialisme mènent une guerre sans merci. Nos peurs sont les objets qu’ils saisissent pour nous pousser vers les produits qui leur répondent. La peur de vieillir, la peur du manque, l’avidité pour les biens matériels, pour l’argent et le pouvoir... la peur de la mort. L’imagination du matérialisme pour nous séduire et nous soumettre est infinie, aussi prolixe que celle de nos peurs, aussi subtile que celle de nos secrets les mieux gardés. L’histoire nous apprend qu’un très grand nombre de ceux qui ont voulu devenir des maîtres ou des élèves remarquables ont subi l’assaut d’un tel pouvoir, d’une telle énergie, l’attaque étant soit physique, soit psychologique.

Infiltrer nos situations

Pour s’engager sur la voie de la méditation, il faut accepter de s’infiltrer, de pénétrer sans réserve dans l’antre claustrophobe de nos insatisfactions et de nos peurs. L’infiltration nécessite une forme de reconnaissance et d’acceptation. Pour entrer dans une situation il faut commencer par accepter d’y aller voir et de se confronter à l’inconfort qu’elle suscite. Ce n’est qu’une fois entré qu’il commence à être possible de travailler dans le cœur de la situation.

La technique d’infiltration, ou la transformation de forces hostiles négatives en situations positives et créatrices, c’est la méditation. C’est un voyage extrêmement difficile. Un voyage solitaire qui comprend des ponts, des échelles, des falaises et des vagues. Une patience de tous les instants est nécessaire. La seule manière d’avancer c’est de pratiquer sans relâche.

Le chemin authentique

Le chemin spirituel authentique ne consiste pas à atteindre un état de conscience particulier. Il ne s’agit pas de s’annihiler pour se dissoudre dans un grand tout indistinct. Ce serait une compréhension erronée, tout comme une autre croyance également fausse, que la pratique de la méditation rendrait faible, indécis et qu’elle nous couperait des réalités matérielles de l’existence. C’est même l’inverse, elle est un processus graduel d’abandon, le moyen de nous démasquer, de démasquer nos tromperies de toutes sortes, de mettre à jour le tissu des légendes que nous projetons sur le monde. Que celles-ci soient utopiques, belles et heureuses, ou empreintes des relents nauséabonds qui habitent les tréfonds de notre âme. Il n’y a rien à atteindre, il nous faut simplement être, comme un rocher ou une montagne traversée par l’eau et le vent. La pratique de la méditation permet de dissoudre nos attentes pour être plus précisément en relation avec les choses telles qu’elles sont.

Rester tranquille et voir clair

Dans la tradition bouddhique, la pratique méditative est en général la participation totale du corps, de la parole et de l’esprit complètement impliqués. On en distingue souvent deux dimensions : samatha terme sanscrit qui signifie se poser, rester tranquille et vipasyana souvent traduit par voir clair. Méditer c’est l’association des deux, on ne peut voir clairement que lorsque le calme mental est installé, la conscience totalement en éveil sur ce qui est là.

Voir clair c’est voir ce qui est là, être complètement infiltré, noyé dans la situation. Être tellement engagé qu’il ne reste plus d’identité individuelle qui se regarde elle-même. Se dessine ainsi un chemin qui part d’une attention très focalisée et précise pour conduire à une expérience pleine de l’espace, d’où jaillit la spontanéité de l’esprit d’éveil.

Se libérer

Il ne s’agit pas d’être sans pensées, l’arrêt de la pensée discursive n’est en aucun cas la finalité de la pratique. La libération vient de la libération des pensées à leur source, de la reconnaissance qu’elles émergent comme la force créatrice de la présence éveillée et n’en sont que des efflorescences. Reconnaître leur nature ultime c’est être capable de libérer les pensées à mesure qu’elles surviennent de sorte qu’elles ne laissent aucune trace. Laisser l’espace nous dissoudre. L’expérience d’une telle ouverture se produit d’elle-même. Il n’est pas possible de la provoquer de manière volontaire, ni de la contempler, car elle meurt instantanément et alors nous nous retrouvons à ‘mâcher un cadavre’. La méditation est une invitation à se reposer dans la nature de l’esprit, libre de toute limite.



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