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Revenir dans le corps

« Tu dois devenir l'homme que tu es. Fais ce que toi seul peux faire. Deviens sans cesse celui que tu es, sois le maître et le sculpteur de toi-même » Friedrich Nietzsche.



Du pilote automatique à la pleine conscience : l’ancrage du corps

Dans notre monde matérialiste, hyperconnecté aux objets extérieurs, le corps ressemble à un objet qui nous serait étranger. C’est notre corps, celui avec lequel nous vivons depuis le début de notre vie, et en même temps, il nous semble lointain, inaccessible, presque comme une présence avec laquelle nous ne serions en relation que lorsqu’elle nous dérange. C’est ainsi que nous vivons la plupart du temps en mode pilotage automatique, agis par nos habitudes, nos conditionnements, la profusion des sollicitations auxquels nous ne savons pas résister, celle de nos désirs et de nos peurs.

Le corps cet étranger

Le rapport vis-à-vis de notre corps ressemble à celui que nous avons avec un objet extérieur, comme une voiture. Quand elle fait un bruit suspect nous la portons chez le garagiste, celui qui sait. Nous sommes dépossédés de tout savoir. Quand quelque inquiétude sur le corps nous traverse, nous courons chez le spécialiste pour qu’il branche sur nous la panoplie des outils de diagnostic. Puis nous achetons pilules et produits censés faire des miracles. Ou bien décidons nous-mêmes de cette médication publicitaire, par l’adhésion aux mérites de tel ou tel régime. Le corps ne nous appartient plus. Il est devenu un objet. Il appartient à la médecine, pire il est la cible du marketing et du consumérisme. La marchandisation du corps, cette mise à l’encan de notre vie intime, s’insinue à la faveur et à la hauteur de notre anxiété, de nos capacités à prendre du recul et à y voir clair.

Il nous appartient de le réhabiter

Pourtant notre expérience de vivre passe d’abord par l’expérience de vivre dans son corps. C’est notre « oikos », notre maison, le lieu qui abrite toutes les fonctions qui nous mettent en relation avec notre environnement, qui nous permettent de coopérer, de nous adapter à tout ce qui nous entoure. C’est par le corps que ressentons nos états émotionnels, par lui que la légèreté ou la pesanteur nous indique qu’il y a bien-être ou souffrance. La vue, l’ouïe, le toucher, le goût, l’odorat, sont les portes d’entrée de notre présence au monde. C’est par elles que nous sont données les informations de ce qui se passe hors de nous. C’est par les sens que notre corps se met en mouvement pour répondre aux milliers d’informations que nous recevons à chaque instant. C’est grâce aux propriétés d’intéroception et de proprioception que nous avons la capacité à évaluer de manière exacte l’activité physiologique et la perception de la position des différentes parties du corps. Être présent dans le corps, c’est être présent dans la vie.

Le yoga, science du corps-esprit

Le yoga, science du corps-esprit multimillénaire, en a fait un art majeur pour aborder la vie. Pour cette discipline spirituelle le chemin est de rendre solide et vivant cette liaison indispensable. Il n’y a pas d’un côté le corps et de l’autre l’esprit. Les deux ne font qu’un, il n’y a pas de dualité, l’un ne domine pas l’autre. Lorsqu’on est connecté à ses sensations corporelles, à sa respiration, on est présent dans son corps et dans sa vie. Cette capacité de mise en relation du corps et de l’esprit c’est l’objectif du yoga. Rester présent à toutes les informations que le corps nous envoie en permanence nécessite tout d’abord une prise de conscience, ensuite une stabilisation de l’attention, et enfin une capacité d’interprétation et de réponse. L’arrêt des fluctuations du mental est obtenu par une pratique assidue, un effort continue, persévérant, non interrompu.

Un cheminement progressif

Le plus important pour le yoga, c'est la circulation de l'énergie vitale, que l'on nomme "Prana". C’est l'énergie subtile, qui anime le corps et l'esprit. Asana et Pranayama, postures et respirations, associés à Yama et Niyama, commandements moraux universels et règles de vie et de comportement, permettent aux flux d’énergie de circuler et revitaliser l'ensemble du système nerveux. Il existe une relation intime entre ces facteurs qui permettent de recentrer ces énergies. Quand l’énergie se bloque, la fatigue, le découragement ou la déprime, et parfois la maladie, s’en suivent. Quand l’énergie circule librement à travers le corps, c’est l’équilibre, on se sent bien et en bonne santé. C’est avec ces outils que le yogi maîtrise et contrôle son esprit, en apaise la propension à l’agitation et à la perte du sentiment de soi. Ces quatre premières étapes de la démarche, Yama, Niyama, Asana, Pranayama, sont suivies de deux autres, Pratyahara et Dharana qui sont une forme de jeûne sensoriel conduisant à la possibilité d’un centrement, d’une concentration.

Le Yoga est d’essence spirituelle

Quand la concentration est stabilisée en un flot régulier, c’est l’état de dhyâna, méditation, contemplation. La méditation c’est le calme intérieur qui permet d’apprendre à observer ses pensées, ses sentiments, ses sensations et tout ce qui apparaît dans la conscience, sans avoir besoin d’interagir avec eux. Rester centré et ouvert à toutes les possibilités et chaque fois qu’un défi surgit, choisir la meilleure solution pour être conforme à nos intentions. En réalité la description des étapes du chemin n’est pas l’objet d’un séquencement successif, il faudrait d’abord franchir Yama ou Niyama avant de pratiquer Asana puis Pranayama. Tout avance de concert, les progrès dans les comportements individuels produisent des améliorations dans les capacités de maîtrise de l’attention, et les progrès en méditation améliorent la stabilité de l’esprit et les capacités à mieux se comporter dans la vie.

La réalisation, but ultime du chemin

Enfin Samadhi, l’ultime étape, celle de la conscience suprême. Cette étape repose sur une conscience pure, illimitée. Au-delà du temps et de l’espace, du passé et du futur, au-delà de l’individualité, le Samadhi donne un aperçu

du champ de l’éternité, de l’infini. Dans cette disposition de l’être, la peur et l’angoisse ne font jamais surface. Vous comprenez que votre vie est une pièce de théâtre cosmique. Pour le yogi c’est le but ultime du chemin. Au plus fort de sa méditation il entre dans l’état de Samâdhi, son corps et ses sens sont au repos comme s’il dormait, sa pensée et sa raison sont vigilantes comme en l’état de veille, cependant il est au-delà de la conscience. C’est une paix qui dépasse tout entendement. L’esprit ne peut trouver des mots pour décrire cet état et la langue ne peut les prononcer. Il n’y a plus aucune dualité entre le connaisseur et le connu car ils sont confondus.

Si nous voulons trouver en nous ce lieu de la liberté et de la joie, le pilotage automatique de notre vie doit être dépassé. Nous ne sommes pas les supplétifs d’une l’économie mondialisée au profit des puissants de ce monde. Cela passe par une reconquête de ce que nous sommes au plus profond. C’est une quête personnelle, il ne s’agit pas de changer le monde, mais de se changer soi-même. La première étape est de reconquérir l’espace de notre corps, prémisse de celui encore plus large de notre esprit. C’est par ce chemin ardu qu’il faut passer. S’opposer pour soi au mouvement général d’une tension vers la soumission. Cette responsabilité nous appartient en propre. Il faut en être certain et faire confiance à notre capacité.



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