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Comment expliquer l'action de la pleine conscience sur la santé ?

Pour Christophe André les mécanismes semblent se situer à deux niveaux : d’une part, celui de la régulation cognitive (les sujets entraînés identifient mieux le début des pensées négatives, et évitent ainsi de les laisser dégénérer en cycles prolongés de rumination) ; d’autre part, celui de la régulation émotionnelle : la pratique régulière de la pleine conscience permet de développer des capacités accrues d’acceptation, de recul et de modulation envers les émotions douloureuses. Sachant que dans la plupart des souffrances psychologiques, quelle qu’en soit leur nature, la rumination et la dérégulation émotionnelle sont des facteurs aggravants, la pleine conscience présente donc un réel intérêt en tant qu’outil adjuvant aux différentes prises en charge, médicamenteuses ou psychothérapeutiques.

Pour les bases neurobiologiques, la méditation a un effet sur le fonctionnement du cerveau. Comparée à la relaxation, elle entraîne une activation cérébrale plus intense des aires para limbiques, liées au système nerveux autonome, c’est-à-dire automatique et non volontaire, et à l’interoception, ou perception des sensations corporelles. Comme l’a montré la psychiatre Katya Rubia, de l’Université de Londres, elle active aussi davantage les zones fronto-pariétales et fronto-limbiques, liées aux capacités attentionnelles.

La pratique de la pleine conscience entraîne, nous l’avons souligné, une amélioration de la modulation émotionnelle, dont on commence à cartographier les voies neurales : ainsi, après un entraînement de huit semaines, des personnes chez qui l’on suscite des émotions de tristesse présentent une plus faible activation des aires du langage (aires de Wernicke et de Broca) et une plus forte activité dans les zones associées à la sensibilité intéroceptive. Cela signifie que l’impact de la tristesse est plus réduit, chez les méditants, par sa « digestion » à un niveau corporel, que par un traitement rationnel et verbal, comme cela se passe chez les non-méditants.

Les méditants acceptent plus ou moins consciemment d’éprouver physiquement la tristesse, sans chercher trop hâtivement à la «résoudre» mentalement (ce qui conduit parfois à des ruminations stériles). Cette attitude ne peut se résumer à un simple détachement ni à un désengagement vis-à-vis des événements de vie tristes, puisque les deux groupes de personnes observées (méditants et non-méditants) obtiennent les mêmes scores en termes d’évaluation subjective de la tristesse éprouvée.

Quelques idées reçues sur la méditation On pense souvent que la méditation est une réflexion approfondie et intelligente sur un sujet métaphysique comme la vie, la mort ou le cosmos. En réalité, dans la méditation de pleine conscience, l’attention n’est pas portée sur la réflexion intellectuelle ou l’élaboration conceptuelle, mais sur le ressenti non verbal, corporel et sensoriel.

On pense souvent que la méditation consiste à faire le vide dans sa tête. En réalité, dans la méditation de pleine conscience, les instants sans mentalisation sont assez rares, et l’essentiel du travail consiste non à faire taire le bavardage de l’esprit, mais à ne pas se laisser entraîner par lui, en l’observant au lieu de s’y identifier.

L’objectif est de se rapprocher d’une « conscience sans objet », où l’esprit n’est engagé dans aucune activité mentale volontaire, mais tente de rester en position d’observateur. Ce n’est donc pas une absence de pensées, mais une absence d’engagement dans les pensées.

On pense souvent que la méditation est une démarche religieuse ou spirituelle. En réalité, dans la méditation de pleine conscience, on cherche avant tout à développer et à tester au quotidien un outil de régulation attentionnelle et émotionnelle, au-delà de toute forme de croyance.

On pense souvent que la méditation est un peu comme la relaxation ou la sophrologie. En réalité, dans la méditation de pleine conscience, on ne cherche pas à atteindre un état de détente ou de calme particulier (certaines séances peuvent au contraire être difficiles ou douloureuses), mais juste à intensifier sa conscience et son recul envers ses expériences intimes.

Par exemple, plutôt que de chercher à ne pas être en colère ou triste, on tend à observer la nature de ces émotions, leur impact sur le corps, les comportements qu’elles déclenchent. Donner ainsi un « espace mental » à ses émotions négatives permet d’en reprendre le contrôle, en leur permettant d’exister et de s’exprimer sans être amplifiées par la répression (ne pas les autoriser) ou la fusion (ne pas s’en distancier).

La pratique méditative régulière induit également des modifications favorables de l’activité électrique du cerveau mesurée par électroencéphalographie : le neuroscientifique Antoine Lutz de l’Université de Madison a constaté une augmentation des rythmes gamma (associés aux processus attentionnels et conscients) dans le cortex préfrontal gauche, une zone associée aux émotions positives.

On a montré de longue date que la résistance à la douleur est accrue chez les adeptes expérimentés de la méditation Zen (proche de la pleine conscience). Or, à l’Université de Montréal, le neuroscientifique Joshua Grant a récemment découvert que cette capacité est associée à un épaississement du cortex cingulaire antérieur et du cortex somato sensoriel, deux zones impliquées dans la perception de la douleur.

Comment interpréter ces observations ? Il est possible que ces zones cérébrales se développent pour apprendre à « gérer » les positions légèrement douloureuses – sensations de crampes et inconfort – imposées par la pratique zen. Il s’agit ici d’une modification de l’anatomie cérébrale: c’est une des manifestations du phénomène de neuroplasticité, où l’entraînement de l’esprit cher aux bouddhistes (entraînement dont font partie la méditation et la psychothérapie) finit par modifier le cerveau, comme le font d’ailleurs tous les apprentissages.

Méditer peut-il protéger contre les infections ? Aussi bizarre que cela puisse paraître, oui. Le psychologue Claude Berghmans a ainsi montré qu’après un programme d’entraînement de huit semaines, l’organisme produit davantage d’anticorps suite à une vaccination antigrippale. Cela peut s’expliquer par le fait que la méditation augmente l’activité du cortex préfrontal gauche, et qu’il existe un lien maintes fois constaté entre les émotions positives et les réactions immunitaires.

Améliorer la lutte contre certaines maladies Une autre étude a révélé que des patients traités aux ultraviolets pour un psoriasis (une maladie cutanée chronique parfois invalidante), voient leurs lésions s’améliorer plus rapidement s’ils suivent simultanément des séances de réduction du stress par la pleine conscience (méthode MBSR). Là encore, des mécanismes d’action neuro-immunologiques de la pleine conscience ont été évoqués, quoique non démontrés : le stress stimulerait la production de cytokines (des molécules du système immunitaire) responsables.

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